Le grand malaise de la jeunesse japonaise. Par Valentin

Publié le par pleindactu

tokyo-subway-71.3.jpg   On en parle peu en France pourtant ce malaise de la jeunesse japonaise est bien réel...  Les jeunes japonais sont en effet les premières  victimes  de  la récession niponne des années  90. Celle ci les empêche de trouver un emploi stable et ils deviennent alors des freeters (mélange de l'anglais free et de l'allemand arbeiter désignant une personne vivant de petits boulots). C'est un cercle vicieux car seules 1,6% des entreprises souhaitent recruter des freeters. Les jeunes qui ont malgré tout la chance de décrocher un emploi régulier doivent supporter des conditions de travail terribles. Il est normal dans une entreprise japonaise que trois personnes fassent la travail de 10. D'où l'augmentation constante de morts par excès de travail (karoshi), suicides ou troubles mentaux provoqués par le surmenage.
  La situation des intérimaires dans l'industrie n'est pas meilleure. Avec un salaire horaire de 1000 yens (6 euros) il ne leur reste presque rien une fois payés le loyer et les factures de chauffage et d'electricité. lls doivent alors vivre entassés dans des appartements minuscules. Une chose est sûre: les jeunes n'ont absolument aucune stabilité ni aides comme en France, Sans compter le phénomène des hikikomori (jeunes qui se replient sur eux mêmes et vivent en vase clos) vus comme des parasites sans aucune tentative d'écoute ou de soutien.
  Cette situation a une raison simple: la volonté des entreprises japonaises qui veulent la productivité à tout prix au mépris de toute humanité.
Il est plus facile de rester compétitif au niveau international en profitant de la jeunesse véritable main d'oeuvre jetable. Ce constat aidant les jeunes français seraient déjà dans la rue en pleine manif. C'est bien là que le bât blesse puisque les jeunes japonais n'ont pas la même culture que nous. Au lieu de se rebeller ils s'automutilent et se punissent eux mêmes... Depuis 2002 au Japon la première cause de décès des jeunes âgés de 20 à 39 ans est le suicide. En effet, au lieu d'aider sa jeunesse, le Japon lui envoie ce message très malthusien: "bon à rien, disparaissez au plus vite".
  Faute d'Etat présent, certains groupes se créent alors pour pousser la jeunesse à sortir de sa servitude. C'est le cas de "Grande Fronde des pauvres" soutenu par un grand nombre de jeunes défavorisés de la capitale. Dans un manifeste publié en 2001 l'organisation précise son action:

" Il y a une pénurie de travail, les entreprises en profitent pour nous exploiter davantage... En y réfléchissant bien cette situation est absurde: les jours ouvrables, nous sommes exploités pour des salaires de misère et, les jours de congés, la société de consommation engloutit notre argent... Dans cette situation, il ne nous reste plus qu'à entreprendre la grande fronde des pauvres, à faire voler en éclats cette vie normale qui nous voit obéir à la société. Il nous faut passer à l'offensive et, à notre tour, imposer notre loi."

 
Le groupe Grande Fronde a déjà mené de nombreuses actions notamment pour un meilleur accès au logement des jeunes. Il cherche à se développer dans toutes les régions japonaises. Aujourd'hui son action est indispensable lorsque l'on sait que le revenu annuel d'un freeter est de 1,06 million de yens (6370 euros).
  Certes on peut voir un progrès dans le lancement par le gouvernement japonais d'un plan d'action baptisé "nouveau défi". Il a pour objectif d'ici à 2010 de réduire le nombre de freeters de 20%. Malgré cela le véritable salut des jeunes ne passera que par une prise de conscience collective et un changement de culture. De l'automutilation il leur faudra passer à la révolte s'ils veulent changer les choses... (source: courrier international n°870, du 5 au 11 juillet 2007)       
        

Publié dans LE MONDE

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